Il est lundi 16 mars, je ne me sens pas très en forme, ma toux m’a tenu éveillée toute la nuit. En raison de l’inquiétude des gens face au coronavirus, je ne me sens pas de prendre le métro ainsi que d’aller au contact des gens en toussant de cette manière. Tout en sachant que je n’étais pas infectée par ce virus, je pressentais les réactions de peur (et certainement justifiées) des habitants de Calcutta. Je reste donc à la maison le matin. Puis je décide tout de même de sortir afin d’aller donner mon dernier cours d’éducation thérapeutique à l’équipe de Nimtala clinic. Je suis ravie d’avoir été, j’ai enfin terminé tout mon programme de cours d’éducation thérapeutique et j’en suis fière. Cependant, mes quintes de toux ne m’ont pas abandonnée et je reçois des regards peu bienveillants dans l’auto-rickshaw ainsi que dans le métro, si bien que je sors du métro à une station et attends le suivant en espérant que mes quintes se calment.
Arrivée à la maison, je suis un peu triste de faire peur de la sorte à ces habitants qui me faisaient tant de sourire quelques semaines voire jours auparavant. Cependant, comment leur expliquer que j’ai simplement pris froid avec le ventilateur ?! Leur méfiance est justifiée, mais blessante.
Le soir même, Yooby rentre du travail en me disant que son frère commence à lui demander si on a pensé à rentrer. Bien sûr que non ! Nous sommes bien trop heureux dans cette ville et cette vie pour penser à y mettre un terme précipitamment. Nous passons alors une sympathique soirée les deux et allons au lit. A ce moment-là, nous recevons de nombreux messages et appels de nos familles. En effet, en Suisse, le conseil fédéral vient d’annoncer lors de la conférence de presse que les ressortissants suisses sont appelés à rentrer au pays au plus vite. En effet, les vols vont être supprimés et il va nous être impossible par la suite de rentrer. Nous sommes tout d’abord en pleine hésitation. Et tout autant que nous aimons cet appartement et cette ville, nous nous rendons compte qu’un confinement sera moins désagréable en Suisse qu’ici où un certain racisme anti-blanc s’installe. Donc, c’est bien à 1h00 du matin que nous réservons en urgence nos billets de retour pour le jeudi de cette même semaine.
Le lendemain, nous nous réveillons tristes et fatigués de cette courte nuit. Nous allons faire des achats afin de ramener quelques souvenirs de cette expérience et allons ensuite au bureau où nous annonçons notre retour. Le STAFF du bureau est compréhensif mais triste. C’est très touchant de voir à quel point nous étions appréciés. Nous apprenons que tous les endroits touristiques vont fermer, autant le Victoria memorial que les cinémas ainsi que les parcs. Puis nous allons encore faire des achats et essayons de profiter au maximum de cette ville. Ce qui s’avère plus compliqué que prévu étant donné que certaines personnes nous traitent directement de « coronavirus », d’autres s’éloignent de notre chemin et certains tournent la tête lorsque nous passons. Tout ceci nous fait nous rendre compte que cette décision était celle à prendre.
Le mercredi, nous faisons notre tour d’au revoir qui s’avère très émotionnel, difficile, triste et beaucoup trop précipité. Mais nous pouvons remarquer que nous avons créé de vrais liens avec le STAFF ainsi que les patients.
L’après-midi, nous avons une réunion extraordinaire au bureau. Celle-ci avait été prévue afin de nous conseiller de rentrer, mais nous nous rendons compte que tous les volontaires sauf un, ont leur billet de retour (réservé la veille ou le jour même). Tous ont eu de la pression de la part de leur famille et n’ont pas vraiment eu le choix d’acheter ces billets. La réunion est dès lors très spéciale et triste, jusqu’à ce que Jaydeep nous convie à un apéro d’au revoir sur le rooftop du bureau. Là-bas, nous profitons de la vue, des gens et des bons souvenirs qui vont rester gravés à jamais dans nos cœurs. De retour dans la rue, nous ressentons à nouveau les regards des gens (bienveillants avant le COVID) devenus méfiants à notre égard.
Puis il est l’heure d’aller préparer nos bagages, profiter d’un dernier restaurant et de tenter de dormir avant le voyage du lendemain.
Après une journée de voyage, nous arrivons à l’aéroport de Zurich, où l’ambiance est spéciale, les embrassades interdites et les masques recommandés. Sur le chemin du retour, nous découvrons une Suisse différente de celle que nous avions quittée 6 mois plus tôt, froide, endormie, nue, inanimée. Mais nous retrouvons également nos familles, ravies de nous savoir en sécurité et de retour en Suisse.
Malgré la fin en queue de poisson, cette expérience restera unique et magique !
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